Jules MOUGIN
Jules Mougin, né le 10 mars 1912 à Marchiennes (Nord), est un poète français prolétarien adepte de l'art Brut. En raison de sa profession de facteur des PTT, il est fréquemment appelé « facteur-poète ». Facteur-poète-troglodyte, Jules Mougin, qui ornait ses lettres de l’habituelle mention « Merci facteur », est décédé le 6 novembre 2010, à l'âge de 98 ans, à Rognes (Bouches-du-Rhône), où il s'était retiré depuis quelques années.
Issu d'un milieu ouvrier (son père travaille en usine, sa mère est femme de ménage), muni du Certificat d'études primaires, Jules Mougin entre aux PTT à l'âge de 13 ans, comme facteur télégraphiste à Paris. Par concours il est ensuite nommé agent-manipulant et travaille au tri manuel des lettres dans un gros service de tri parisien (Paris XV). Au moment de sa titularisation, l'examen médical obligatoire révèle qu'il est tuberculeux. Il est âgé de 19 ans.
Après une longue convalescence il réintègre le service postal en tant que facteur-receveur. D'abord nommé dans le département de Maine-et-Loire où il rencontre son épouse, il demande une affectation dans les Basses-Alpes, pour se rapprocher d'un auteur qu'il admire, Jean Giono. C'est ainsi qu'il devient facteur au village de Revest-des-Brousses de 1941 à 1959. Après un bref passage à Paris, il revient en Anjou, au bureau de Poste d'Écouflant, avant d'être admis à la retraite en 1977 date à laquelle il s’établit à Chemellier.
Proche à la fois des écrivains prolétariens, des Hommes sans Épaules et des artistes bruts (dont Gaston Chaissac et Jean Dubuffet, avec lesquels il a entretenu de riches correspondances), ami de Jean Giono et Louis Calaferte, Jules Mougin a publié une trentaine de livres, dont La Grande Halourde, Le Mal de Cœur et Poèmes, lettres et cartes postales (Robert Morel), tout en rejetant l'idée même d'une carrière littéraire.
Facteur rural au Revest-des-Brousses près de Manosque, anti-militariste viscéral, obsédé par la guerre, la mort et la révolte, il a, sa vie durant, écrit, peint et « bricolé », comme il le disait, vivant longtemps dans une maison à Chemellier (Maine-et-Loire), dotée de caves troglodytiques dont il orna les parois, dessinant et sculptant à partir de matériaux de récupération. Dans sa retraite angevine, il collectionna les bois peints, les cailloux, les boîtes, les poupées, les cravates, les chapeaux melons.
Ce qui le révoltait de façon permanente, ce qu’il combattait d’un bout à l’autre, avec ses mots, sa colère, sa dérision : c’est la guerre ! Il sait que les boucheries sont préparées puis soldées avec zèle par les longs bras de la politique : « Toutes ces jolies petites croix sur les assassinés ! Ces rangées si bien rangées ! Ces alignements si bien alignés ! La guerre, cette immonde dégueulasserie, soigne bien ses morts ! » Jules Mougin a été inhumé aux Verchers-sur-Layon (Maine-et-Loire). « Je voudrais ne pas crever idiot ! Pouvoir aimer, encore, après ma mort ! », sera son dernier mot.
César BIRÈNE
(Revue Les Hommes sans Épaules).
Œuvres :
À la recherche du bonheur, éditions Debresse, 1934
Usines, Le Sol clair, 1940 ; réédition Plein chant, 1987
Faubourgs, 1945, hors commerce
Visage découvert, hors commerce, 1948.
Pèlerine au vent, Éditions du Pluralisme, 1949.
Le Saladier à la houppe, hors commerce, 1951.
Poèmes, éditions Robert Morel
143 poèmes, Lettres et cartes postales, éditions Robert Morel, 1961
La Grande Halourde, éditions Robert Morel, 1961
Mal de cœur, éditions Robert Morel, 1962
Le Comptable du ciel, éditions Harpo &, 2011
Chaissac-Mougin : une correspondance. Editions Travers-Philippe Marchal. 2012
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Numéro spécial LES HOMMES SANS EPAULES 1ère série, 1953-1956 n° 3 |